La danse et les enfants

Depuis une dizaine d'années, j'ai le privilège de danser avec des enfants en milieu scolaire, en centres de loisirs (La Source-La Guéroulde, service enfance ville d'Evreux), en I.M.Pro (Instituts Médico Professionnels), en services de pédiatrie et chaque jour avec mes propres enfants. De ces expériences multiples et variées, je retire quelques fondamentaux que je ne me lasse d'explorer.

 

Conscience corporelle

La pratique de la danse passe par une découverte multisensorielle de son propre corps. Danser fait appel à la conscience des différentes parties du corps, mais aussi du corps dans son ensemble.
Conscience de soi
En dansant, on prend conscience de soi-même, par notre corps, mais aussi grâce à notre mental qui envoie les commandes. L'imaginaire est sollicité si les exercices sont créatifs. Les enfants découvrent naturellement leur corps ; avec la danse, ils vont plus finement dans ce processus de découverte de soi.
Conscience des autres

Lorsqu'on danse en groupe, on est obligé d'avoir conscience des autres, par leur présence dans l'espace. On les voit, on les entend, on les ressent, on entre en contact par le toucher. C'est une rencontre des autres par le corps et dans l'espace. Les déplacements dansés vont développer particulièrement la conscience des autres.
Conscience du monde
Ce n'est pas la même chose de danser sur un plancher de bois dans une salle chauffée ou de danser dehors pieds nus dans l'herbe. La pratique de la danse développe la conscience de l'environnement immédiat et par extension la conscience du monde.

Confiance en soi

Que l'on danse un enchaînement appris ou que l'on improvise, que ce soit juste pour le groupe ou pour un public, il y a un cheminement inévitable vers la confiance en soi. Si l'encadrant est bienveillant et respecte le rythme de chaque enfant, la confiance en soi va progresser plus vite. J'entends par là que si l'on force un enfant à se présenter en public ou à improviser alors qu'il n'est pas prêt à cela, nous ralentissons, voire bloquons la progression de la confiance en soi. La pratique de la danse est un excellent outil lorsqu'il est utilisé avec bienveillance et intelligence. Forcer ne fonctionne jamais et provoque des dégâts physiques et psychologiques.

Faire confiance à l'autre

Dans un cours régulier, dans un stage ou un atelier ponctuel, la pratique de la danse est en groupe la plupart du temps. Le travail en duos et le travail du contact à l'autre développe la confiance mutuelle. Pour donner son poids, il faut faire confiance à l'autre. Réciproquement, pour inspirer confiance à celui ou celle qui nous donne son poids, il faut être stable et lui montrer notre fiabilité.

Faire confiance au groupe

C'est une extension de la confiance dans l'autre. L'ambiance installée par l'encadrant est fondamentale pour instaurer un climat de confiance dans le groupe. C'est une question de choix. Dès lors que l'on fait le choix d'installer une bonne ambiance, un tas de petites choses se mettent en place. Pour cela, l'encadrant doit inspirer la stabilité physique et émotionnelle. Être exigeant et très humain à la fois, se mettre à la place des enfants, se mettre à leur niveau pour leur parler (accroupi pour les plus jeunes, on se parle les yeux dans les yeux).
Être global

Cela va sans dire mais je le dis quand-même : la danse fait appel à tout ce que l'on est, le corps, le mental et l'esprit. Les enfants sont naturellement en contact avec la globalité de ce qu'ils sont. A partir de 8 ou 10 ans, certaines inhibitions peuvent apparaître selon leur éducation. La créativité peut être préservée, si elle est cultivée et encouragée. Dans bien des cas, la créativité est réprimée, que ce soit à l'école ou dans la famille, et l'enfant fait marche arrière dans le domaine de l'expression personnelle. La pratique de la danse peut aider à équilibrer ces lacunes.
Être soi

Pratiquer la danse permet d'apprendre à se connaître. En grandissant, l'enfant évolue énormément et très vite, par étapes. Avez-vous remarqué qu'ils grandissent plus vite l'été, pendant les grandes vacances ? Alors, leur permettre de danser pendant les grandes vacances, c'est un choix parfait.

Créativité

Mon approche de la danse fait appel à la créativité : trouver ses propres mouvements, son propre style, sa propre façon de bouger. Stimuler notre créativité nous permet de développer ce qui nous rend heureux. Ce qui nous rend heureux, nous guide vers nos talents naturels. La pratique de la danse va nous monter ce chemin vers ce qui nous rend heureux. Ce ne sera peut-être pas la danse, mais c'est un mécanisme à trouver : aller vers ce qui nous fait du bien. Combien de jeunes (et d'adultes) ne savent pas ce qu'ils aiment ? Combien de jeunes (et d'adultes) disent ce que les médias leur imposent ? 
Mémoire

La mémoire du mouvement n'est pas la même que la mémoire intellectuelle. L'une aide l'autre, l'autre aide l'une, elles sont reliées. La mémoire s'exerce comme un muscle et c'est impressionnant comme les enfants ont une excellente mémoire. Ils sont très contents quand un adulte leur fait remarquer.
Se détendre

Quand je bloque sur un problème à résoudre, je sors faire une balade dans la nature. Et bien souvent, le problème se résout de lui-même, lorsque je me détends. La pratique de la danse amène à se détendre mentalement et musculairement aussi. Pour mémoriser des mouvements, il faut détendre son mental. Quel bel atout pour un enfant que de savoir se détendre !

Le respect
Lorsque je guide un atelier, je commence par expliquer les règles en disant que ces règles sont là pour être détournées. Cela permet une liberté dans la créativité. J'ajoute qu'il y a un seul interdit : ne pas se faire mal et ne pas faire mal aux autres. Cela veut dire respecter son propre corps et respecter le corps des autres. Quand ça fait mal, c'est que ce n'est pas le bon chemin.
Apprentissages
Etre à l'aise dans son corps permet d'être plus disponible aux apprentissages tels que la lecture et l'écriture dans lesquels tous les sens vont participer. La danse va développer l'acuité sensorielle et va aider aux apprentissages fondamentaux. De plus, la pratique de la danse va aider à bien structurer sa pensée, ce qui est fondamental pour les apprentissages.
L'attention
La pratique de la danse va développer la capacité d'être attentionné, à l'écoute de soi, des autres et de l'environnement. Cela peut être proche d'un état méditatif, lorsqu'on se laisse aller dans le mouvement, et qu'on ne pense plus à rien. Les enfants sont particulièrement disposés à se laisser aller dans l'improvisation, qui favorise l'écoute de soi, des autres et de l'environnement.

Pour résumer, la pratique de la danse, surtout lorsqu'elle fait appel à la créativité, est un excellent outil pour accompagner les enfants de tous âges dans leur développement global. Un enfant bien dans son corps, se met mieux en relation avec les autres, appréhende mieux l'environnement qui l'entoure. Un enfant qui est conscient de lui-même, dans son entièreté, va avoir une meilleure estime de soi. Il va donc entrer en relation avec les autres de façon plus ouverte, plus respectueuse. Il en est de même pour son rapport à l'environnement extérieur : la société, les cultures du monde, la nature. On peut aller jusqu'à dire que la pratique de la danse chez les enfants prépare de futurs adultes plus conscients, plus épanouis, plus heureux pour préparer un monde plus harmonieux. A condition d'être encadrés par une personne bienveillante qui considère l'enfant comme un être humain à part entière.